Résumés des intervenants > Pagès Laurent

L'œuvre romanesque de Sara Stridsberg, auteure suédoise née en 1972, est principalement consacrée à des personnages, souvent féminins, qui évoluent socialement et spatialement en marge des sociétés suédoise ou nord-américaine. Nous nous attacherons à montrer comment l'écrivaine fait des marges spatiales des espaces incertains en nous concentrant sur trois de ses romans : Drömfakulteten, Darling River et Beckomberga.

Cette qualification d'espaces incertains se fonde sur différents aspects des lieux représentés. Ce sont des lieux extérieurs par rapport au cœur de la société (asiles psychiatriques), aux centres d'activités (pourtours des villes, routes, lieux isolés, désaffectés et dépeuplés) ou à l'ici (régions et pays lointains) – autant de territoires situés dans des marges indéterminées qui offrent un cadre au séjour ou à l'errance des personnages. Ce sont également des espaces dont l'inscription dans un cadre référentiel précis est incertaine et qui peuvent prendre une dimension symbolique, comme le désert, à la fois lieu concret et symbole de la marginalité et de la solitude des personnages. Ce sont enfin des territoires pris dans une tension entre réalité et rêve, d'où une incertitude quant à leur statut, de l'Amérique de McCarthy dont Stridsberg fait, comme elle l'écrit, un « pays onirique », à un espace qui, comme l'Alaska dans Darling River, devient une pure surface de projection d'un imaginaire.

Ces espaces incertains occupent une place centrale dans les œuvres romanesques de l'écrivaine et leur représentation condense un certain nombre de traits caractéristiques de son écriture. Leur étude nous semble à ce titre propice à une introduction à l'œuvre d'une auteure traduite mais pas encore étudiée en France.