Cette communication a pour objectif de mettre en lumière des traits spécifiques des emplois verbaux danois. L'étude des verbes modaux, de plusieurs expressions temporelles et aspectuelles, ainsi que des considérations contrastives opposant morphosyntaxes danoise, française et grecque classique, permettent, en effet, d'esquisser un portrait du système verbal danois.

Reposant sur une structure remarquablement abstraite, qui met en jeu un très petit nombre de formes pour une large extension d'emplois, ce système présente un fonctionnement combinatoire tout à fait notable, où une même forme assume fréquemment plusieurs valeurs et où plusieurs formes se substituent l'une à l'autre.

Il semble, dès lors, qu'un tel fonctionnement oblige la « grammaire » danoise à s'appuyer sur des éléments qui ne ressortissent pas à la conception classique de la morphosyntaxe. De fait, le système verbal danois fait appel à des éléments pragmatiques ou à des tours lexicaux se combinant ou se substituant aux formes grammaticales. Il pousse aussi à un haut degré de développement la grammaticalisation des localisations dans la phrase et requiert la prise en compte d'un contexte plus large que la phrase (cadre de la syntaxe traditionnelle).

Ces caractéristiques jettent un éclairage neuf sur des faits spécifiques de la langue danoise, tels que la polysémie et la polyfonctionnalité du présent et du prétérit, les différentes réalisations aspectuelles de få ou encore les valeurs paradoxalement antagonistes de formes verbales centrales comme måtte exprimant la possibilité et la nécessité, ville, intentionnel ou non, et blive, statique (« rester ») ou dynamique (« devenir »). Combinées à d'autres traits typologiques danois, ces particularités permettent également de rendre compte de la fréquence de tours habituellement considérés comme « idiomatiques », ainsi que d'expressions modales particulières, y compris dans les contextes, peu traités par les grammaires, des subordonnées ou des séquences de verbes modaux.