La perception sensorielle s'exprime d'une manière relativement similaire en suédois et en finnois. En plus de différencier entre les cinq modalités perceptives (vue, ouïe etc.), ainsi qu'entre la perception en tant qu'activité (« écouter ») et en tant qu'expérience (« entendre »), les deux langues accordent une place importante aux verbes exprimant le fait d'être perceptible avec les cinq sens, ce qui les distingue du français. Elles permettent également d'expliciter la direction de la perception.

Notre étude concerne les verbes höras, en suédois, et kuulua, en finnois (« être audible »). Ils se construisent avec un sujet référant au stimulus, alors que l'expérient reste implicite :

su. rösten lät dov, som om den hörts långt borta ifrån,

fi. « ääni kuulosti vaimealta, ikään kuin se olisi kuulunut kaukaa, »

fr. « la voix était sourde, comme si elle venait (< était audible) de très loin, »

L'objectif est d'examiner la structure sémantique de l'audibilité dans ces langues et la conceptualisation dynamique de l'événement auditif, en s'appuyant sur le concept du profilage et le schèma du chemin issus de la linguistique cognitive. La perception auditive peut, en effet, s'envisager comme un mouvement d'une entité non tangible (stimulus) d'un point de départ (source) vers un point d'arrivée (expérient), en suivant une trajectoire qui relie les deux.

Dans les données étudiées, höras s'associe le plus souvent avec l'expression de la localisation statique du stimulus, alors que kuulua présente une forte tendance à profiler le point de départ du son. Nous analysons cette différence en termes de l'actualisation linguistique. Du fait de son origine réfléchie (le s final venant de sig « se »), höras porte une trace de l'association de l'événement perceptif avec un repère référentiel. Kuulua conceptualise la perception auditive à son stade initial en tant que capacité d'être perçu.